Le service régional de l’agence nationale de la CMU de Kédougou a présidé du 26 au 27 novembre 2021 un atelier régional sur les mécanismes endogènes de financement de la santé avec en toile de fond la cotisation par nature et le champ collectif. CICODEV AFRICA est à l’initiative de cet atelier dont l’UNAMUSC a pris part. Elle a été représentée par Mamadou BA vice-président en charge de la recherche. Lever la barrière financière pour l’accès à la santé pour les communautés défavorisées et présenter le modèle de paiement des frais d’adhésion et de cotisation en nature aux mutuelles de santé proposé par des acteurs locaux aux communautés participantes et en discuter la faisabilité sont entre autres points inscrits dans les objectifs de cet atelier
Les statistiques de couverture de 20% en 2012 à 47% en 2019 traduisent une performance fort appréciable en matière de couverture des populations contre le risque maladie.
Pour consolider cet acquis, CICODEV Afrique a estimé qu’une politique qui cherche à faciliter l’accès à la santé et aux soins au reste de la population soit 52 % d’entre elle au travers de la couverture maladie universelle (CMU), est une bonne politique publique à pérenniser.
Cette vision et sa mise en œuvre se heurtent cependant à l’écueil de son financement pérenne.
CICODEV a lancé une campagne « Pérennisons la CMU » depuis 2014 et a installé des observatoires
sur l’effectivité de sa mise en œuvre dans les 14 régions du Sénégal.
L’un des axes de cette campagne est le financement adéquat et pérenne de la santé et de la CMU. En effet, cela passe nécessairement par la mobilisation de ressources domestiques additionnelles et prioritairement au plan national (État, populations, secteur privé).
Malgré l’évolution significative du budget alloué à la santé de 112 milliards en 2012 à 216 milliards en 2021 soit une augmentation de 104 milliards de F CFA, le financement du secteur en faveur des populations les plus défavorisées pose toujours problème et particulièrement le financement des politiques de gratuité.
En 2015, le financement de la CMU était majoritairement assuré par l’État (59,9%), suivi de la population (15,95%), du secteur privé (13,24%) et des partenaires (11%). Les comptes nationaux de la santé (2017) révèlent en moyenne que 51% de la dépense en santé est supporté par les ménages, la part de l’État est estimée à 24%, les PTF 19%, le secteur privé 5% et les collectivités territoriales 1%.
L’investissement à long terme dans le secteur de la santé constitue un principal facteur de développement social et économique. Le capital humain, un atout précieux de la société, constitue le deuxième pilier du Plan Sénégal Émergent (PSE). L’État du Sénégal, conscient de la centralité et de l’impact important de la santé sur le développement, a pris l’engagement de promouvoir les investissements dans ce secteur.
Cette orientation du Sénégal répond aussi à l’engagement des pays de l’Union Africaine en avril 2001 à Abuja, où les Chefs d’États et de gouvernements s’étaient engagés à augmenter progressivement le budget de la santé pour atteindre 15% de leur budget global.
Le second engagement auquel répond cette orientation est celui d’Addis Abéba en 2015 où sous l’impulsion du système des Nations Unies, les pays membres se sont engagés à identifier et recourir de plus en plus aux ressources domestiques pour financer les services sociaux de base dont la santé.
C’est dans cette perspective que le gouvernement a adopté en 2017 une Stratégie nationale de financement de la Santé par laquelle il s’est engagé à augmenter de 2% par an le budget alloué à la santé pour résorber le gap d’ici à l’horizon 2022.
Le Plan National de Développement Sanitaire et Social (PNDSS 2019-2028) est par la suite venu consacrer une rupture dans la façon d’aborder le développement sanitaire : la priorité est accordée à la répartition équitable de l’offre de services et au financement de la demande en santé. Le plan, troisième du genre, repose sur une vision où tous les individus, tous les ménages et toutes les collectivités bénéficient d’un accès universel à des services de santé promotionnels, préventifs et curatifs de qualité, sans aucune forme d’exclusion.
Dans cette dynamique, CICODEV Afrique – avec l’appui des fondations OSIWA et Hewlett – a entrepris le lancement d’une démarche globale de recherche-action sur le financement pérenne de la santé, la CMU et la protection sociale en général en identifiant et en promouvant des mécanismes endogènes de financement de la santé (MEFS) à côté de ce qu’il est convenu d’appeler les mécanismes « innovants » de financement du développement et de la santé. CICODEV a choisi de faire le focus sur les écosystèmes locaux de finance participative, des mécanismes endogènes qui pourraient contribuer au financement pérenne de la santé. Une première enquête-observation dans les zones urbaines, péri urbaines et rurales, a permis d’identifier sur un total de 129 OCB, 73 qui ont développé un mécanisme endogène de financement de la santé. Pour évaluer leur viabilité technique et financière, une étude a été menée par une équipe de trois consultants. Il s’agit d’une spécialiste en moyens de survie, d’un économiste de la santé et d’un spécialiste de la mutualité sociale, des profils complémentaires pour une analyse approfondie de la capacité de ces modèles à prendre en charge les besoins en soins de santé des communautés en rapport avec les mutuelles de santé. L’étude révèle que ces modèles communautaires développés et contrôlés par les populations urbaines, péri-urbaines et rurales pourraient constituer des leviers fort pertinents pour lever les barrières financières entravant l’accès des populations défavorisées aux services de santé et à la CMU ; si les conditions favorisant leur reconnaissance et leur institutionnalisation par les pouvoirs publics dans les circuits de financement sont adoptées et mises en place.
Un des modèles étudiés par les consultants et pratiqué dans le Bandafassi et plus précisément dans la commune de Ninefecha, consiste en un paiement de la cotisation en nature. Cette initiative est à l’étape d’idée. Elle mérite d’être structurée. Son opérationnalisation exige qu’elle soit accompagnée. Il s’agit cependant d’une idée de la communauté, donc toute démarche d’accompagnement devra être participative et inclusive. Il s’agira dans un premier temps de structurer l’idée à travers l’organisation d’un atelier régional qui regroupera tous les acteurs pour discuter et valider les produits agricoles éligibles, la période de collecte et techniques de stockage, les modes et canaux d’écoulement pour son adaptation/appropriation au système de cotisation et d’adhésion aux mécanismes de financement de la santé existants, les proportions de contribution en espèce et en nature.
A côté de ce modèle de financement en gestation, l’atelier a aussi été l’occasion pour les communautés participantes d’échanger sur la faisabilité locale d’un autre modèle notamment les champs communautaires- qui ont fait leurs preuves ailleurs pour lever la barrière financière au paiement de l’adhésion et cotisation pour accéder à la CMU.